Traceurs géochimiques et physiques dans la colonne d’eau : des indicateurs de l'activité hydrothermale

Qu’est ce qu’un panache hydrothermal ?

Les panaches hydrothermaux résultent du mélange entre l’eau de mer et les fluides hydrothermaux, eux-mêmes générés par la circulation de l’eau de mer dans la croûte océanique.La chambre magmatique, source de chaleur profonde, associée à la structure perméable de la croûte océanique, sont deux facteurs qui façonnent cette circulation « souterraine ».

On peut la détecter sur le plancher océanique par la formation de monts et de cheminées. En effet, ceux-ci proviennent de la précipitation de certains minéraux composés de sulfates (anhydrite, barytine) et de sulfures (minerais riches en métaux), ainsi que de la formation dans la colonne d’eau de panaches hydrothermaux enrichis en He, CH4, Mn et H2S.

Ces panaches, qui dépendent étroitement de la nature des fluides rejetés, sont souvent « noirs » ou « blancs » du fait de la présence de particules minérales qui précipitent rapidement lorsque les fluides de haute température (350°C) se mélangent avec l’eau de mer froide (autour de 2°C). Bien que certains fluides soient de basse température et ne contiennent pratiquement pas de particules, les panaches noirs bien connus du public ont, à leur origine, des fluides chargés en métaux appelés couramment « fumeurs noirs ».

Pourquoi étudier les panaches hydrothermaux ?

Au dessus des zones actives, les panaches hydrothermaux s’élèvent dans la colonne d’eau tant que la densité des fluides est moins dense que celle de l’eau de mer. Après leur éjection, mélange avec l’eau de mer ambiante, transport par advection (déplacement d'une masse d'air dans le sens horizontal) à partir de la source, les fluides vont se disperser latéralement au gré des courants océaniques et atteindre un état d’équilibre.

Ainsi, outre la détection des sites actifs le long des dorsales médioocéaniques, les panaches hydrothermaux permettent de suivre la dispersion, le mélange, l’évolution des fluides et des particules associée dans le temps et à différentes distances des sources, et contribuent ainsi à étudier et mieux comprendre le comportement géochimique et le cycle des éléments dans l’eau de mer.

Comment détecte-t-on les panaches hydrothermaux ?

Les panaches hydrothermaux sont détectables dans la colonne d’eau au dessus des champs hydrothermaux actifs et bien au delà (de 10 à 100 kms), le long de la dorsale et sur ses flancs et ses murs. En effet, ils présentent des caractéristiques physiques et géochimiques très différentes de celles de l’eau de mer.

De nombreux traceurs physiques et géochimiques sont ainsi applicables à l’exploration de l’activité hydrothermale. Plusieurs méthodes et stratégies ont été mises au point pour cartographier les panaches hydrothermaux. Elles sont toutes basées sur la détection d’anomalies physiques (température, néphélométrie) et géochimiques (Mn, CH4, H2S, Hélium, Radon,….).

Quelle stratégie utiliser dans l’exploration de l’activité hydrothermale ?

Développés depuis une vingtaine d’années, les programmes de recherches liés à la circulation hydrothermale le long des dorsales médioocéaniques ont plusieurs objectifs :

  • le développement de méthodes d’exploration afin de localiser, cartographier et connaître la distribution des panaches hydrothermaux associés aux champs hydrothermaux actifs ;
  • l’enregistrement et le suivi des variations temporelles et l’évolution des systèmes hydrothermaux, en particulier leur comportement après des évènements tectoniques et volcaniques ;
  • la connaissance des liens entre processus hydrothermaux, magmatiques et tectoniques le long du système « dorsales médioocéaniques » au sens large (cycle magmato-tectonique) ;
  • l’étude des processus physiques, géochimiques, thermodynamiques contrôlant la circulation hydrothermale.

 

La recherche des zones actives utilisant les traceurs physiques et chimiques se fait en trois étapes :

  1. Une exploration régionale, à l’échelle de 1000 km de dorsale, permet dans un premier temps de détecter les anomalies géochimiques majeures.
  2. Dans un second temps, une étude plus fine à l’échelle d’un segment de dorsale (10 à 100 km) permet d’étudier la variabilité de l’activité hydrothermale et de localiser plus précisément les zones actives. Ces deux premières étapes sont réalisées lors de campagnes océanographiques de surface.
  3. La troisième étape, probablement la plus délicate, consiste en la découverte et l’étude en détail du site hydrothermal à l’aide de submersibles et engins télé-opérés (ROV) lors de campagnes de plongées. En général, cette exploration sous-marine se réalise à l’échelle de « boîtes » de 10 km sur 10 km.

Cette stratégie d’approche scientifique, impliquant les traceurs, a montré son efficacité et permis de découvrir récemment de nombreux sites actifs tels que Menez Gwen, Broken Spur, Rainbow, Ashadze sur la Dorsale Médio-Atlantique.

 

Quelle instrumentation utiliser ?

Après établissement d’une carte bathymétrique la plus précise possible, les scientifiques recherchent diverses anomalies physiques et géochimiques (traceurs) créées dans la colonne d’eau par les apports hydrothermaux. La présence de ces anomalies, formant des panaches hydrothermaux, est synonyme d’activité hydrothermale.

Les mesures sont effectuées à l’aide d’une bathysonde-rosette associant divers capteurs (température, conductivité, néphélométrie, analyseur chimique in-situ). Les équipements analytiques sont installés dans un container laboratoire embarqué à bord des navires océanographiques. Le traitement des données physiques et l’analyse à bord permettent de détecter en temps réel les anomalies physiques dans la colonne d’eau (température, conductivité, densité), les panaches de particules (ex: mesures de transmissométrie, néphélométrie,.....), et les anomalies géochimiques (ex: méthane, manganèse).

Ces informations obtenues directement sur le navire permettent de guider la campagne océanographique, de repérer les zones actives, de les délimiter et préparer ainsi les campagnes de plongée en submersible à venir et généralement programmées les années suivantes sur les chantiers découverts.