Comment les espèces voyagent elles à travers l’océan ?

Espèces des dorsales, espèces des marges : une origine commune ?

Les communautés d’organismes qui se développent autour des sources hydrothermales profondes ont de nombreux points communs avec celles observées sur les marges continentales autour des sources froides, riches en méthane. Et plus particulièrement avec celles vivant à proximité des canyons que creusent les grands fleuves (Mississipi, Zaïre).

Si peu d’espèces sont communes aux deux habitats, les scientifiques ont cependant relevé de nombreuses parentés à des niveaux plus élevés de la classification zoologique. Ainsi, des modioles d’espèces très proches, des clams, des crevettes appartenant à la famille des Alvinocarididae et de nombreux vers à écailles d’espèces voisines sont présents dans les deux milieux… On peut donc penser que ces deux faunes, liées à la production primaire bactérienne utilisant les fluides riches en éléments réduits, ont une origine commune et se sont probablement différenciées au cours du temps par des isolements successifs lors de l’ouverture de l’Atlantique.

Par ailleurs, en étudiant les communautés des sources froides sur les deux bords de l’Atlantique (golfe du Mexique, Barbades et golfe de Guinée), les scientifiques ont montré que deux sites éloignés peuvent abriter des communautés très voisines, voire plusieurs espèces communes.

Les travaux menées pendant la campagne Serpentine

Etudier la dispersion des espèces dans la ceinture équatoriale Atlantique, entre la marge du golfe du Mexique et la marge du golfe de Guinée, est un des objectifs du projet « ChEss » du programme Census of Marine Life. Intégrée à cet effort international, la campagne Serpentine permettra notamment aux scientifiques d’évaluer l’hypothèse selon laquelle les sites hydrothermaux de la dorsale médio-atlantique, et en particulier les zones riches en méthane, auraient servi de milieux relais pour certains groupes zoologiques amphiatlantiques (distribués des deux cotés de l’Atlantique).

En effet, les larves, moyen le plus vraisemblable de dispersion des espèces, n’ont pas des durées de vie compatibles avec un transport par les courants de fonds dont la vitesse est en général lente (plusieurs dizaines d’années pour traverser l’Atlantique). De plus, l’ouverture de l’Atlantique au Crétacé (il y a 65 millions d’années), semble trop ancienne pour expliquer la répartition de ces espèces qui, en l’absence d’échange, auraient sans doute divergé.

Alors, quels sont les mécanismes les plus vraisemblables ? Certains auteurs évoquent l’existence de larves téléplaniques (dont le développement est ralenti dans les eaux froides), ou l’existence de milieux relais constitué par la décomposition bactérienne de grands cadavres de cétacés ou de végétaux coulés.