Encroûtements cobaltifères

Dans tous les océans reposent des concrétions rocheuses massives, pouvant parfois atteindre 25 cm d'épaisseur et couvrant des kilomètres carrés de sol marin. Au total, on a estimé que 6,35 millions de kilomètres carrés, soit 1,7 % de la surface des océans, sont tapissés de ce qu'on appelle familièrement des "encroûtements". On les trouve à des profondeurs variant entre 400 et 4.000 mètres de profondeur, sur les monts sous-marins isolés et les alignements volcaniques, au niveau des élévations sous-marines intra-plaques, ou encore dans les formations coralliennes d'anciens atolls immergés.

Les encroûtements des ressources minérales potentielles

Les investigations ont réellement démarré en 1981 dans l'océan Pacifique central. Cela fait donc plus de 20 ans que de nombreux pays comme le Japon, les Etats-Unis, la Russie, l'Allemagne, la France, la Corée, le Royaume-Uni, la Chine, s'intéressent à ces encroûtements, qui ont ainsi fait l'objet de 42 campagnes entre 1981 et 2000, dont la majorité a été menée par le Japon pendant 15 ans depuis 1985, dans les régions Ouest Pacifique. Et pour cause, ces concrétions rocheuses renferment de nombreux métaux : fer, manganèse, cobalt, etc... Ce sont de véritables minerais, des ressources potentielles.

Encroûtement cobaltifère près de Niau (Archipel des Tuamotu)

Les principales "mines" se trouve au fond de l'océan Pacifique. Parmi les 50.000 volcans immergés, on en a exploré quelques-uns seulement et découvert un trésor de dépôts riches en cobalt et platine dont la France se trouve être un heureux héritier. En effet, les dépôts les plus riches se situent en Polynésie, et plus particulièrement dans les "eaux économiques françaises". Les échantillons les plus précieux que l'on ait ramassés proviennent de croûtes parfois continues sur les bords externes des plateaux sous-marins tels que l'archipel des Tuamotu, et sur les volcans à des profondeurs comprises entre 800 et 2.500 mètres.

Genèse des encroûtements cobaltifères

Il est maintenant admis que les concrétions dites "cobaltifères" commencent à se former à partir des ions ferreux Fe 2+ et des ions manganèse Mn 2+ présents dans l'eau de mer, qui précipitent sous forme d'oxydes de fer et de manganèse, en liaison avec des processus d'oxydation.

La croissance des encroûtements s'opère très lentement, de l'ordre de 1 à 6 mm par millions d'années ; ce qui laisse le temps à des métaux, notamment le cobalt et le platine, de s'y concentrer fortement, conduisant à d'épaisses croûtes dont les âges peuvent atteindre les 60 millions d'années. Les composés solides obtenus se déposent alors sur les substrats solides du fond marin de nature volcanique ou calcaire.

Actuellement, on considère que l'ensemble des métaux constitutifs de ces encroûtements provient de l'eau de mer. De plus, il a été constaté que la croissance des encroûtements est renforcée lorsque la teneur en oxygène de l'eau de mer est minimale. Il est probable que les processus de précipitation soient également influencés et renforcés par l'activité bactérienne... Ces hypothèses demandent à être examinées et discutées à partir de données de terrain précises. En effet, on a trouvé plusieurs microsphérules d'origine météoritique dans certaines zones. Elles contiennent du nickel, du cobalt et des platinoïdes en quantité appréciable. Un calcul rapide montre néanmoins que leur contribution ne rend pas compte des teneurs élevées en cobalt et platine dans des encroûtements...

Sur le plan scientifique, des efforts demeurent nécessaires pour mieux comprendre les règles de répartition, la variabilité des épaisseurs et de composition et les divers processus impliqués dans la formation de ces encroûtements.

Composition chimique

Ainsi, comme les nodules polymétalliques, les encroûtements sont essentiellement constitués d'oxyde de fer et de manganèse. Ces derniers sont cependant en moyenne 3 fois plus riches en cobalt et pourraient constituer le premier minerai de ce métal, si bien qu'on les a qualifiés de "cobaltifères". Ils renferment même beaucoup plus de cobalt que les minerais exploités à terre (2 à 3 fois plus dans les latérites où la teneur n'excède jamais 0,1 à 0,2 % devant le chiffre record de 1,8 % en cobalt contenu dans les encroûtements de Polynésie). Or, on considère qu'un site est "potentiellement économique" lorsque les concentrations en cobalt sont supérieures à 1 %, et ce, dans des croûtes ayant au minimum 5 cm d'épaisseur et avec une certaine continuité sur des surfaces relativement planes.

Intérêt économique

Le cobalt n'est à ce jour qu'un "sous-produit" de l'extraction d'autres métaux. Mais, il est aujourd'hui en forte demande et sa production a doublé entre 1999 et 2006. Il est en fait principalement utilisé pour réaliser des aciers spéciaux pour les nouvelles technologies, en particulier les alliages pour l'aviation et les batteries. Environ le tiers de la production de cobalt est utilisé dans l'industrie aérospatiale.

Le deuxième atout des encroûtements, c'est le platine qui s'y trouve souvent très concentré. Ce métal, très abondant sur certains sites, pourrait également être un sous-produit non négligeable. Il est réclamé en particulier par l'industrie des catalyseurs (pots d'échappement et piles à combustible).

Enfin, les encroûtements sont une source potentielle de nombreux autres éléments métalliques tels que le titane, le cérium, le nickel, le thallium, le tellure, le zirconium, le tungstène, le bismuth ou encore le molybdène.

Technologie d'exploitation

Les enjeux d'une exploitation des encroûtements pour le cobalt et le platine sont réels. Mais à quel prix et avec quelles technologies ? Il manque encore des données de terrain et des calculs précis: contrôles géologiques de zones riches, continuité des dépôts, rugosité du fond, influence du substratum sur la dilution au ramassage, etc...

A ce jour, aucune étude de terrain par plongée n'a été réalisée sur ce type de dépôts au fond des océans... mais des projets américains sont en cours autour d'Hawaï.