IV.- DIFFERENTES PHASES D'EXPLORATION

(Poster 11)

Cinq phases principales d'exploration ont été réalisées par l'Association Française pour l'Etude et la Recherche des NODules (AFERNOD) au cours de l'exploration des nodules polymétalliques de l'Océan Pacifique:

  • Phase 1.- Travaux préliminaires à caractère régional; 
  • Phase 2.- Exploration systématique d'une zone sélectionnée; 
  • Phase 3.- Exploration détaillée d'un secteur de la zone sélectionnée; 
  • Phase 4.- Délimitation de sites miniers dans le secteur détaillé; 
  • Phase 5.- Caractérisation des gisements potentiels dans le site délimité.  

L'objectif de ces travaux étant de délimiter des gisements de valeur économique, chaque phase va permettre de reduir la surface d'exploration qui est au depart de la grandeur d'un océan pour arriver à une surface exploitable de l'ordre de quelques centaines de kilomètres carrés.

IV.1.- Phase 1 - Travaux préliminaires à caractère régional (Pacifique Sud de 1970 à 1974)

La première phase d'exploration caractérisée par les travaux préliminaires à caractère régional a eu comme objectif d'identifier les zones d'occurence des nodules polymétalliques d'interêt économique.

 

IV.1.1.- Stratégie adoptée.
  1. Dès 1970, le groupe français entreprit une étude bibliographique exhaustive des données existantes sur les nodules polymétalliques: répartition géographique des indices, teneur et abondance des nodules sur le fond, relation avec la physiographie des fonds, nature des sédiments, présence de volcanisme, etc.La synthèse des données bibliographiques faisait rapidement apparaître:
    • une distribution spatiale des teneurs en nickel et en cuivre en faveur de l'océan Pacifique;
    • une corrélation positive entre les teneurs en nickel, en cuivre et en manganèse, opposée à celle du fer, alors que le cobalt paraissait indépendant;
    • l'existence probable de deux grandes familles géochimiques dont l'une plus riche en nickel, cuivre et manganèse;
    • une corrélation positive entre la famille géochimique riche en Ni, Mn, Cu et la présence d'une sédimentation ralentie de type "argile rouge" ou boue à radiolaires; les travaux ultérieurs ont montré une meilleure corrélation avec ce dernier faciès;
    • l'insuffisance de l'information jusqu'alors recueillie sur l'abondance des nodules;
    • des inégalités dans la répartition géographique de cette information.
  2. Parallèlement, il réalisait le choix et la mise au point des outils d'exploration les mieux adaptés: engins libres (préleveurs et caméras) capables de descendre par leurs propres moyens, de prélever et de photographier le fond de l'océan puis de remonter en surface après s'être libéré d'un lest.
  3. Une fois la compilation des informations et des données disponibles ont été effectuée, les premiers objectifs géologiques sont déterminés.
    Les fonds océaniques proches de la Polynésie Française faisaient partie des zones jusqu'alors peu reconnues et où pouvaient exister une sédimentation ralentie favorable à la présence de nodules riches en manganèse, nickel et cuivre. C'est tout naturellement dans cette zone que les premiers travaux d'exploration systématique ont été entrepris à partir de la base de Vairao que le CNEXO a installée dans l'île de Tahiti.
IV.1.2.- Travaux réalisés.

Au total durant cette phase 16 campagnes d'exploration et une campagne de dragage ont été réalisées, totalisant 451 jours à la mer. 761 localités ont été échantillonnées, 2.241 prélèvements effectués, 243 photographies du fond réussies, 19 traits filmés et 125 km d'images télévisées. Le poids total de nodules recueillis a atteint près de huit tonnes. 50.000 km d'enregistrements bathymétriques ont été effectués.
La surface du Pacifique Sud reconnue à une densité moyenne d'environ une localité par 8.600 km2 dépasse 2 millions de kilomètres carrés, dont environ 40 % dans la zone des 200 milles de la Polynésie Française.

Les travaux de laboratoire comportèrent plus de 17.000 analyses chimiques, des études aux microscopes métallographique et électronique, l'analyse minéralogique aux rayons X, des études à la microsonde électronique. Des test furent effectués pour déterminer les variations de composition entre le noyau et les différentes couches du cortex des nodules, les relations entre les teneurs, la morphologie et la taille des nodules. La composition et la nature des sédiments superficiels furent également étudiées et confirmèrent la corrélation positive entre les nodules riches en Ni, Cu et Mn et les boues argileuses à radiolaires.

Les mesures bathymétriques effectuées au cours de ces campagnes, s'ajoutant aux données déjà existantes, ont permis l'élaboration d'une carte bathymétrique au 1/1 000 000ème.

IV.1.3.- Résultats obtenus.

Etant donnée l'impossibilité d'échantillonner chaque mètre carré du secteur sélectionné et à cause de la variabilité de l'abondance des nodules, l'activité d'exploration a fait appel aux méthodes statistiques et géostatistiques pour le traitement des données et pour les prises de décision basées sur les probabilités.
Les études géostatistiques ont démontré, tout d'abord, que les nodules n'y sont pas très fréquents puisque 47 % des localités visitées ont moins de 0,5 kg/m2 de nodules, dont plus de 80 % sans nodules. 5 % des localités présente plus de 9 kg/m2, malheureusement les nodules qu'on y trouve sont pauvres en métaux utiles. Ces études font nettement apparaître les deux familles géochimiques reconnues antérieurement. La plus riche (plus de 0,75 % de cuivre et plus de 0,85 % de nickel) représentent un peu moins de la moitié des localités visitées. Malheureusement, les nodules riches (Ni+Cu > 1,7 %) ne dépassent guère 3 kg/m2, la moyenne se situant à environ 2,5 kg/m2.
Les estimations géostatistiques des teneurs en nickel, cuivre, manganèse et cobalt, et de l'abondance ont permit de juger du faible intérêt des zones du Pacifique Sud. Dans les régions où on a constaté des teneurs élévées en nodules, ils sont peu abondants; dans les régions où on a rencontré beaucoup de nodules, ils présentent de faibles teneurs. Au contraire, dans le Pacifique Nord, on a constaté une coïncidence de teneurs élévées et de nodules abondants.
On a pu constater d'autre part que l'histoire géologique de ces régions était assez complexe. En conséquence les sédiments du type "argile rouge" et boue à radiolaires sont irrégulièrement répartis et beaucoup moins répandus que dans le Pacifique Nord aux mêmes paléolatitudes.
Ces diverses constatations, renforcées par les données plus encourageantes recueillies dans le Pacifique Nord, ont conduit AFERNOD à suspendre l'exploration du Pacifique Sud en 1974. Une zone de plus grand intérêt économique a été choisie dans le Pacifique Nord pour des études plus détaillées.

IV.2.- Phase 2 - Exploration systématique d'une zone séléctionnée (Zone Clarion Clipperton - 1975 à 1976)

Une fois les travaux de caractère régional terminés, les zones les plus intéressantes ont été sélectionnées pour les futures prospections systématiques et plus détaillées. Le programme prévoyait ainsi la reconnaissance systématique de la zone du Pacifique Nord, comprise entre les fractures de Clarion et de Clipperton, que la synthèse des données de la littérature indiquait comme la plus favorable. L'objectif de cette phase a été d'identifier au sein de cette zone, les secteurs les plus riches et les plus abondants en nodules, de caractériser des dépôts économiques (concentration et teneur) et en même temps, de débuter la modélisation des gisements.

 

IV.2.1.- Stratégie adoptée.

Les travaux d'AFERNOD, utilisant les techniques géostatistiques à partir des données de la littérature et de ses données propres ont conduit à adopter une grille de reconnaissance de maille élémentaire carrée de 50 milles nautique (93 km) de côté. On pouvait ainsi espérer mettre en évidence les zones les plus favorables sur la base de quelques observations positives, tout en réalisant l'exploration de larges surfaces en quelques mois.

 

A l'arrivé sur une localité, 7 préleveurs et caméras de type ED1 étaient lâchés en ligne tous les 300 m environ, chaque prélèvement correspondant à une station (Fig. ci-dessous).

 

IV.2.2.- Travaux réalisés.

Entre août 1975 et septembre 1976, huit campagnes totalisant 198 jours de mer, visitèrent 259 localités réparties sur 2,25 millions de kilomètres carrés, où furent réalisés 1.828 prélèvements et 1.629 photographies du fond. 17.850 analyses chimiques furent effectuées au laboratoire confirmant celles faites en mer.

Un examen très poussé de la morphologie et de la taille des nodules, associé à l'étude détaillée des photographies a permis:

  • d'améliorer l'estimation de l'abondance des nodules sur le fond;
  • de déterminer sur les photographies, les faciès morphologiques de nodules correspondant à diverses familles géochimiques caractérisées par leur teneur en éléments utiles (Mn, Ni, Cu).
IV.2.3.- Résultats obtenus.

Les études géostatistiques ont indiqué:

  • une plus grande fréquence des nodules à fortes teneurs en nickel, cuivre et manganèse: 86 % des localités présentent des teneurs moyennes supérieures à 1,7 % Ni + Cu, 79 % des teneurs supérieures à 2 %, 43 % des teneurs supérieures à 2,5 %. La moyenne des teneurs s'établit ainsi à 2,3 % Ni + Cu, au lieu de 1,4 % dans le Pacifique Sud;
  • une teneur en cobalt légèrement plus élevée en moyenne;
  • une plus grande fréquence de la présence de nodules: sur les 261 localités échantillonnées, 239 présentaient des nodules, soit 92 % au lieu de 60 % dans le Pacifique Sud, l'abondance moyenne s'établissant à 3,5 kg/m2 au lieu de 2,7 kg/m2 dans le Pacifique Sud.

une plus grande fréquence de la présence de nodules: sur les 261 localités échantillonnées, 239 présentaient des nodules, soit 92 % au lieu de 60 % dans le Pacifique Sud, l'abondance moyenne s'établissant à 3,5 kg/m2 au lieu de 2,7 kg/m2 dans le Pacifique Sud.

En étudiant plus en détail la distribution géographique des teneurs et des faciès de nodules, la région explorée a été divisée en deux grandes unités géographiques correspondant sensiblement aux deux familles géochimiques observées. On a ainsi réalisé une coupure à l'intérieur de la zone prospectée où la variance totale des teneurs est plus de trois fois inférieure. Bien que le même raisonnement n'ait pu être appliqué à l'abondance, une zone à NOdules RIches et Abondants (NORIA) a été sélectionée.

IV.3.- Phase 3 - Prospection détaillée d'un secteur de la zone sélectionnée (Zone NORIA - 1976 à 1977).

La troisième phase de prospection a été caractérisée par l'intensification de l'exploration dans le secteur de la zone sélectionnée antérieurement (la zone NORIA). L'objectif de cette phase a été d'une part de confirmer les résultats obtenus pendant la phase précédente et d'autre part de délimiter les sites miniers probables.

IV.3.1.- Stratégie adoptée.

Il a tout d'abord été décidé d'étendre assez largement l'exploration autour de la zone sélectionnée afin de mieux en cerner les contours. La zone finalement prospectée atteint une superficie de 431 500 km2.

 

La réalisation de trois campagnes d'exploration géophysique permit d'obtenir une meilleure idée de la physiographie des fonds et de la structure du substratum. On peut ainsi confirmer une orientation générale Nord-Sud des collines abyssales, soulignant une fracturation assez récente de même orientation due au rejeu probable des cicatrices laissées par l'expansion océanique.
Pour tenir compte de cette anisotropie, on a choisi une maille rectangulaire de 25 milles nautiques en Nord-Sud et 17 milles nautiques en Est-Ouest. La réalisation de deux profils se recoupant en forme de croix avec des stations espacées de 2,4 km en moyenne le long des profils confirma la validité d'une telle maille en ce qui concerne la composition chimique des nodules.

IV.3.2.- Travaux effectués.

Les trois campagnes de géophysique permirent l'enregistrement de 9.700 km de sismique réflexion et 9.800 km de magnétisme et de bathymétrie.

Six autres campagnes permirent de visiter 267 localités et d'effectuer 1.432 prélèvements, 1.373 photographies et 8.432 analyses chimiques.

IV.3.3.- Résultats obtenus.

Si on compare les résultats de la maille large dans les 431 500 km2 où la maille a été resserrée, avec ceux obtenus en resserant la maille, on constate:

  • que les teneurs moyennes en Ni + Cu sont conservées lorsqu'on augmente de plus de 4 fois (4,23) le nombre de mesures: l'examen plus détaillé ne fait pas apparaître de biais sur le teneurs;
  • que l'abondance moyenne augmente d'un tiers avec une diminution des variations relatives: ce phénomène peut être interprété comme le résultat d'un effet de bordure de la maille large.
  • que la famille géochimique à faible teneur Ni, Cu et Mn a pratiquement disparu; près de 95 % des nodules appartiennent à la famille riche.

A partir des isovaleurs des teneurs en Ni et Cu et de l'abondance, on a tenté d'isoler des secteurs géographiques relativement homogènes, malgré le manque de corrélation observé entre les teneurs et l'abondance. On constate que l'on retrouve les zones sélectionnées à partir de la maille large avec une superficie sensiblement identique.

On constatait que, par rapport aux possibilités définies sur la zone Clarion-Clipperton, les tonnages apparents à forte teneur et abondance étaient deux à trois fois plus importants, ce que laissait prévoir les variances élevées de l'abondance.

  • Confirmation des fortes teneurs (Ni + Cu = 2,48 %) et abondance (6,18 kg/m2); 
  • Sélection d'un site minier de 150.000 km2 où Ni = 1,39 %, Cu = 1,25 %, Co = 0,25 % et abondance = 9,49 kg/m2. 

IV.4.- Phase 4 - Délimitation des sites miniers (1979 à 1981)

La phase 4 de l'exploration est caractérisée par la délimitation de sites miniers dans le secteur affinée au cours de la troisième phase. Les objectifs de cette phase ont été: la caractérisation de gisements potentiels, la connaissance exacte de la topographie des fonds, la délimitation de la continuité spatiale des ressources minières recherchées et l'identification d'obstacles majeurs.

 

IV.4.1.- Stratégie adoptée.

Les qualités du gisement retenu peuvent être exprimées par la teneur des nodules en métaux récupérables et par leur répartition spatiale sur le fond.
La sélection opérée lors des prospections antérieures a amené AFERNOD à penser qu'ils n'auraient pas trop à se soucier de la variabilité des teneurs dans le secteur NORIA. Par contre, les informations concernant la nature et la densité des obstacles et la variabilité de l'abondance laissaient persister quelques inquiétudes sur la possibilité de délimiter les sites miniers avec un minimum de travaux.
C'est pourquoi il a été décidé d'employer conjointement deux méthodes que le CNEXO avait commencées à développer dès 1976.

  1. Une cartographie au moyen d'un sondeur multifaisceaux (Seabeam) des fonds sous-marins suffisamment précise pour reconstituer avec le minimum d'incertitude la répartition des collines et des plaines abyssales dont les dimensions moyennes semblaient osciller entre 2 à 10 km entre crêtes, 5 à plusieurs dizaines de kilomètres d'allongement et 100 à 200 m de variation d'altitude.
  2. L'observation de la couverture de nodules et des obstacles métriques à décamétriques à l'aide d'un poisson tracté derrière le navire (RAIE) ou d'un poisson autonome (EPAULARD) équipés de caméras photographiques, de capteurs de pression et de sondeurs de sédiments. Ces photographies permettent l'estimation de l'importance et de la nature des obstacles ainsi que l'abondance des nodules.

 

La mise en oeuvre de ces engins pouvait se faire indifféremment à bord du N/O Jean Charcot ou d'un navire de plus petit tonnage, mais doté d'un treuil "grands fonds" à forte capacité en câble. En les utilisant à bord du N/O Jean Charcot, on peut enchaîner les opérations de cartographie à grande vitesse (10 noeuds) et l'observation du fond à vitesse de 1,5 nd (RAIE) à 2,5 nd (EPAULARD).

IV.4.2.- Travaux réalisés.

En octobre 1979, la première campagne mettant en oeuvre le RAIE a pu être menée dans le Pacifique sur champs de nodules. En 30 jours de mer, 15 traits de RAIE ont été réalisés totalisant 498 km et rapportant plus de 22.000 photographies. Fin mars 1980, le N/O Jean Charcot effectuait une première campagne de levé bathymétrique au sondeur multifaisceaux. Au cours de cette campagne de 35 jours de mer, 15.400 km de profils ont été réalisés assurant le levé de bandes de 3 km de largeur au 1/25.000. Un montage au 1/50.000 a été réalisé sur une superficie totale de 23.700 km2.
Entre le 20 décembre 1980 et le 4 mai 1981, trois campagnes du N/O Jean Charcot ont été exécutées, totalisant 97 jours de mer. Elles ont permis d'échantillonner les 450.000 km2 de la zone NORIA par l'exploration de 24 "boîtes" choisies en tenant compte des caractéristiques économiques et d'environnement préalablement mises en évidence.
Pour chacune de ces boîtes, un levé Seabeam correspondant à une surface de 1.000 à 1.200 km2 a été suivi par une évaluation du potentiel minier utilisant essentiellement les données provenant des traits de RAIE et/ou d'EPAULARD (bathymétrie détaillée et couverture nodules par photographies), ainsi que quelques prélèvements par engins libres et par carottiers. Le coefficient de réverbération du fond a été également mesuré au cours de deux de ces trois campagnes, en vue de déterminer l'utilité des mesures acoustiques pour l'estimation de l'abondance des nodules. De même, l'étude des enregistrements du sondeur 3,5 kHz a permis de préciser la nature des fonds dans les zones étudiées et de tenter l'extrapolation des résultats sur l'abondance obtenus par préleveurs.

IV.4.3.- Résultats obtenus.

L'esquisse topographique obtenue grâce au sondeur multifaisceaux montre une morphologie de collines abyssales très généralement orientées Nord-Sud et présentant des crêtes continues que l'on peut suivre sur 10 à 50 km. L'espacement entre crêtes varie de 5 à 10 km suivant les régions. Les différences d'altitude entre crêtes et creux varient entre 100 et 300 m, la majeure partie se situant entre 150 et 200 m. Les flancs de ces collines sont peu inclinés, 90 % des pentes apparentes étant inférieures à 10 %. Elles sont cependant très fréquemment dissymétriques avec un flanc Est souvent plus accentué.

 

C'est principalement sur ces flancs raides qu'ont été observées, avec l'aide du RAIE, de petites falaises verticales dont certaines dépassent 10 m d'aplomb. Ces ressauts se présentent parfois en gradins successifs comme des marches d'escaliers. Leurs parois sont souvent accidentées de corniches surplombantes correspondant probablement à des niveaux plus indurés. Des blocs épars au pied de la falaise présentent les mêmes alternances de niveaux indurés en relief avec des intervalles surcreusés. Les épaisseurs de ces strates sont d'ordre décimétrique, la taille des blocs dépassant souvent le mètre.

 

A proximité de ces falaises, les nodules sont absents ou présentent un faciès de type A, nodules plus petits de forme irrégulière. Ailleurs la distribution des nodules ne semble pas suivre de règle particulière, bien qu'ils aient souvent tendance à disparaître dans les fonds de talwegs.

 

Sur les profils réalisés, la longueur des traits où les nodules sont constamment présents avec plus de 10 kg/m2 peut dépasser 18 km, la moyenne se situant à 3,5 km. Les intervalles où les nodules sont pratiquement absents n'ont en moyenne que 1,4 km de long et représentent moins de 10 % au total.
Ces informations permirent de valider le choix effectué de la zone de 450.000 km2 qui fit l'objet de la demande de permis exclusif d'exploration auprès du gouvernement français le 1er juillet 1981.

IV.5.- Phase 5 - Caractérisation de gisements potentiels (1981 à 1988)

Au cours de la phase 5 d'exploration, AFERNOD a réalisé la caractérisation de gisements potentiels dans les sites délimités auparavent. L'objectif de cette phase a été l'acquisition des connaissances nécessaires pour définir une stratégie d'exploitation.

 

IV.5.1.- Stratégie adoptée.

Le programme d'étude technologique de mise en valeur des gisements de nodules, commencé dès 1980, demandait la mise à disposition de données et d'échantillons permettant aux ingénieurs de mener à bien leurs travaux.
C'est ainsi qu'il fallait réunir un lot d'échantillons représentatifs du "minerai nodule", susceptible d'être exploité, pour tester et mettre au point les procédés d'extraction des métaux.
De même, il fallait fournir aux concepteurs des engins de collecte des informations sur les caractéristiques mécaniques des sols constituant le fond de l'océan.
Le manque de données précises dans la littérature, sur le régime océano-météorologique et sur les courants de la masse d'eau, impliquait la réalisation de campagnes de mesures permettant de fournir les données indispensables aux calculs des efforts auxquels les systèmes de remontée seraient soumis et permettant la conception de la plate-forme de surface.
Il fallait, par ailleurs, obtenir les moyens de préciser la densité et la distribution des obstacles identifiés précédemment de manière à imaginer la stratégie de collecte et, par suite, concevoir les engins les mieux adaptés.
Enfin, il était nécessaire d'explorer avec suffisamment de détail un site permettant des essais in-situ du PLA 2-6000 (Préleveur Libre Autonome - 6.000 m) préfigurant l'une des navettes autonomes du système de ramassage par chantier sous-marin.

 

IV.5.2.- Travaux réalisés.

Dès 1982, deux campagnes totalisant 59 jours de mer à bord du N/O Le Suroît permirent:

  • la constitution d'un échantillon de 25 tonnes de nodules humides issus de 49 dragages répartis en 12 localités différentes toutes situées dans la zone ayant fait l'objet de la demande de permis exclusif de recherche en juillet 1981.
  • l'étude détaillée du site d'essai du PLA 2-6000. Ce site, dénommé NIXO 45, fut choisi, sur la base des données disponibles pour la relative uniformité de son relief et la présence de zones avec et sans nodules. Il a été exploré par des traits serrées de l'EPAULARD et du RAIE et de nombreux prélèvements, utilisant les carottiers Kullenberg et des TAAF, ce dernier permettant un prélèvement non perturbé sur 1 mètre de profondeur.

Parallèlement, la construction du Système Acoustique Remorqué (SAR) a été confié aux sociétés Thomson CSF et ECA.
A l'issue de ces travaux, il fallut attendre 1986 pour que le SAR et le N/O Jean Charcot soient à nouveau disponibles pour explorer les zones nodules. Au cours de 2 campagnes, totalisant 58 jours de mer, trois zones purent être explorées en utilisant le SAR et l'EPAULARD. Des prélèvements de sédiments ont été également réalisés avec les carottiers Kullenberg et TAAF.

IV.5.3.- Résultats obtenus.

Les 25 tonnes de nodules prélevées ont permis une caractérisation physico-chimique du minerai potentiel et la réalisation de nombreux essais tant pour l'étude du traitement métallurgique que pour celle du ramassage (broyage, pompage).
Les données géotechniques, acquises à partir des carottages de sédiments, ont permis un meilleur choix des équipements de locomotion de l'engin de fond (chenilles).
Enfin, les observations effectuées avec le sonar latéral SAR ont confirmé les hypothèses sur la fréquence et la distribution des obstacles qui avaient servies à l'établissement d'une stratégie de dragage.

Par ailleurs et bien que les essais du PLA 2-6000 n'aient finalement pas eu lieu sur le site préparé à cette intention, l'exploration détaillée de ce dernier a apporté des éléments de réflexion fondamentaux. Ceux-ci permirent d'orienter la stratégie des discussions internationales vers un objectif spécifique: l'obtention d'une zone minimale d'environ 45.000 km2 bien délimitée dans la zone orientale. Cet objectif a finalement pu être atteint malgré la multiplicité des chevauchements avec les demandes des autres pionniers.
Enfin en décembre 1988, le submersible habité de l'IFREMER, Le Nautile, put effectuer 16 plongées qui permirent aux géologues et aux ingénieurs d'explorer le fond à 5 000 mètres de profondeur et d'y réaliser une série d'expériences.
C'est sur la base de la cartographie des obstacles réalisée en 1986 avec le SAR qu'ont été choisies les zones de plongée du Nautile. Jusqu'alors, ces obstacles n'avaient pu être observés que sur des photographies ponctuelles.
Ces plongées ont confirmé les synthèses précédemment élaborées à partir des multiples données antérieures, et ont servi à établir la reconstitution du paysage sous-marin sur lequel se situent les champs de nodules.

Des mesures de mécanique des sols in situ ont été réalisées à partir du Nautile grâce à un scissomètre spécialement construit pour cet usage et ont permis d'affiner les données précédemment obtenues en laboratoire sur des carottes de sédiments remontées en surface. Des observations et des mesures ont pu aussi être faites sur la résistance des nodules et les conditions de leur collecte.

 

IV.6.- Conclusion

L'Association Française pour l'Etude et la Recherche des NODules (AFERNOD) a réalisé l'exploration des nodules polymétalliques de l'océan Pacifique en différentes phases.
L'analyse de chaque étape d'une phase a déterminé les décisions à prendre pour le déroulement des phases suivantes. Les considérations économiques ont joué un rôle important pour la planification et l'implantation de l'ensemble des séquences d'exploration.

Au cours du déroulement de chaque phase, on a pris en considération les objectifs géologiques, la méthode à utiliser, le type de données géologiques à obtenir, le type d'équipement à utiliser et finalement la compétence technique.
En partant d'une surface initiale d'investigation de l'ordre de 2.500.000 km2, AFERNOD a localisé un site minier potentiel de l'ordre de quelques dizaines de milliers de kilomètres carrés.
Les connaissances acquises ont été nécessaires pour établir un modèle géologique et un modèle de simulation mathématique d'un gisement au sein du site localisé.